Mémétique
La mémétique est une discipline récente (1980) qui cherche son territoire dans la zone frontalière entre l’anthropologie, les sciences cognitives, l’épistémologie, les sciences de l’information, la psychologie sociale et l’Intelligence Artificielle. Elle est initialement issue d’une extension – déclenchée par un éthologue – du périmètre d’application des lois de l’évolution Darwinienne (1) à un ensemble de phénomènes non-biologiques, tels que les modes, les croyances et les technologies. Cette intuition rejoint celle de précurseurs, en philosophie des sciences ou en anthropologie, concernant la relative autonomie des pratiques et des idées au regard des sociétés qui les portent.
La mémétique prend comme fondement que la sphère du vivant englobe des processus socio-informationnels (comme les coutumes, par exemple), non pas en tant que manifestations comportementales dictées par le génome humain, mais comme des phénomènes naturels à part entière, c’est-à-dire susceptibles de générer leur propre écologie sur un terrain psychosocial.
Il est important, si l’on veut appliquer les lois de l’évolution naturelle dans leur forme étendue (cf algorithmes évolutionnaires) et non pas strictement biologique, de rester au niveau des pratiques, définies par la perception qu’en ont les acteurs dans un contexte, c’est-à-dire leur « phénotype ».
La difficulté principale pour les chercheurs vient de ce que la mémétique « embrasse trop large » et dirige ses nouvelles lunettes vers des observables issus de tous les aspects de notre quotidien, donc en général des observables déjà très étudiés par ailleurs. Le manque d’observables nouveaux oblige les méméticiens à imposer a priori un changement de vocabulaire pour marquer leur nouveauté.
C’est pourquoi la définition des mèmes (codes culturels reconnaissables et reproductibles) a été récemment (2012) « annexée » par les médias pour décrire l’écologie électronique de l’internet, phénomène jamais vu qui démontre sa vitalité et conforte ainsi la thèse de son appartenance de plein droit à la sphère du vivant.
C’est aussi pourquoi le monde de l’entreprise – traditionnellement protégé des chercheurs pour cause de propriété intellectuelle, ainsi que par respect pour les salariés qui n’aiment pas forcément être objets d’étude – a commencé à se rouvrir depuis quelques années, mais aussi à adopter un vocabulaire métaphorique qui rend compte de l’écologie des pratiques (ADN des organisations, réplication des pratiques, sélecteurs, organisation vivante, territoire de marque, etc.).
Le fait de centrer les approches évolutionnistes de la culture sur le mème, c’est-à-dire sur le « réplicateur égoïste » en oubliant l’importance fondamentale du phénotype qui caractérise les pratiques, la seule réalité à laquelle nous pouvons accéder par nos sens, est fréquemment contestée par des chercheurs, dont nous faisons partie. Voir à ce sujet un article publié dans la revue Hérmès N°67 : La mémétique, une science à l’état sauvage, accessible dans Cairn info.
(1) On peut résumer ainsi les lois de l’évolution Darwinienne : si une « forme de vie » est capable de transmettre à sa « descendance » un ensemble de caractères qui déterminent ses moyens d’interagir avec son milieu; si cette transmission n’est pas exacte mais sujette à de petites variations, et si la faculté de survivre et de se reproduire dans un milieu donné est différente suivant les caractères transmis, alors, cette forme de vie s’adaptera à son environnement, par sélection naturelle des codes qui réussissent le mieux leur reproduction dans ce milieu.
Cela n’a rien à voir avec ce que bien des gens mettent dans la notion de « survival of the fittest« .