C’est quoi le changement ? (Episode 4)
Les quatre premiers épisodes sont arrivés en bloc lors de la rénovation du site, le 4 janvier, car ils avaient été initialement publiés sur LinkedIn. Le rythme échelonné reprendra avec l’épisode 5.
Previously : nous avons évoqué la question du changement souhaité ou non-souhaité…
Bon. Supposons qu’il existe une intention commune de partager les enjeux et la nécessité du changement, de se comprendre afin d’y aller ensemble. Bref, d’en parler, quoi.
Dans une organisation (surtout quand elle compte plus que quelques centaines de personnes), la conversation, la vraie, ne se fait pas autour de la machine à café. Pour qu’elle ait lieu, il faut l’organiser, lui donner forme, temporalité, incitation, méthode et mémoire. Cela s’appelle un dispositif. Dans « Qu’est-ce qu’un dispositif ? » (Ed. Rivages, 2007) G. Agamben donne une vision plutôt sombre de ceux-ci et l’étend à de multiples technologies et institutions qui façonnent les liens sociaux et nos vies quotidiennes.
Nous allons délibérément adopter une approche plus positive (même si elle reste philosophiquement discutable sur le fond au regard des liens de pouvoir dans l’entreprise) en parlant de dispositifs conversationnels : des dispositifs qui invitent les gens à se parler, alors même qu’ils n’en sont pas forcément demandeurs, ne sont pas amis et ne se connaissent pas toujours entre eux. Matériellement, il peut s’agir de réunions, de plateformes collaboratives ou de supports d’information élaborés en commun. Le tout mis entre les mains des collaborateurs.
Les animateurs du dispositif sont en charge de proposer le questionnement, en le ciblant sur les thèmes et les processus objets de changement. La pertinence de ce questionnement est un des facteurs de succès, mais c’est surtout la répétition, créatrice de lien et de mémoire, qui fait le travail. Ce travail se produit sur la durée. Abandonnons donc les séminaires « one-shot » stériles qui n’ont qu’une simple valeur symbolique, celle de célébrer les grands mythes institutionnels (Meyer et Rowan, 1977).
La plus grande valeur d’un dispositif vivant est la surprise des sujets partagés vers lesquels il nous conduit. On ne sait pas d’avance où l’on va.
Deux risques sont à surveiller :
Le premier est de voir le dispositif se refermer sur une communauté (le mot est à la mode) dans laquelle on crée un climat privilégié, voire une sensation de refuge ou d’élite, en oubliant de renvoyer vers l’organisation les bénéfices de la conversation.
Le deuxième est de ne savoir in fine mesurer l’efficacité qu’en nombre de participants, en nombre de séances ou en nombre de pages. Il faudra tôt ou tard s’obliger à instruire la véritable question : qu’avons-nous réussi à faire changer ? Dans les pratiques, qu’est-ce qui ne se fait plus de ce qu’on voyait souvent par le passé ? Qu’est-ce que l’on voit désormais se produire qui n’arrivait jamais ? De quoi parle-t-on plus souvent aujourd’hui ? De quoi ne parle-t-on plus ?
Concevoir et mettre en œuvre de tels dispositifs, c’est le métier de l’internome. Contactez-moi via Linkedin, liens perso et pro en bas de la page d’accueil.
Episode 5 (à venir !)
Agamben, G. (2014). Qu’est-ce qu’un dispositif ? (M. Rueff, Trad.). Rivages.
Meyer, J. W., & Rowan, B. (1977). Institutionalized Organizations : Formal Structure as Myth and Ceremony. American Journal of Sociology, 83(2), 340‑363.