Le retour au bureau, la remise en cause des routines et des figures d’autorité, la réactivation des projets et du business, les nouveaux outils, le tri entre ce qui fait sens et ce qui fait rire, entre ce dont on crève d’envie et ce qu’on ne peut plus voir en peinture, vous le lisez tous les jours, le monde de maintenant, ce n’est plus une fiction de militant ou de chercheur, c’est ce qui nous déboule dans les jambes et nous coule dans les mains. A tous. Aujourd’hui.
De deux choses l’une : soit vous êtes vous-même un.e pro de l’accompagnement et du conseil, ou une tête chercheuse académique et vous pourrez utilement confronter votre point de vue au mien; soit vous travaillez à l’intérieur même d’une des innombrables organisations – toutes, à vrai dire – qui vont avoir besoin de repenser « à l’arrache » leurs façons de faire pour mieux travailler ensemble dans ce fameux monde d’après, et je partage avec vous mes réflexions sur trois questions simples que vous (ou quelqu’un de proche) êtes tôt ou tard amené.e à vous poser.
La première question est, on s’y attendra, « devons-nous faire appel à une aide extérieure ou nous débrouiller tous seuls ? » Aujourd’hui, beaucoup de grandes organisations disposent de ressources internes employées explicitement pour accompagner (voir promouvoir très activement) les changements de pratiques et d’organisation. Si c’est le cas chez vous, trouvez ces personnes, écoutez-les, sollicitez-les car elles se préparent depuis des années à répondre aux besoins que vous avez aujourd’hui. Et si vous-même faites partie de cette force de changement, assurez-vous que votre propre équipe est prête pour passer à l’action ! Malheureusement, beaucoup d’autres organisations – les plus petites notamment – ne disposent pas de ces unités de consultants internes. Si le dialogue vit bien chez vous et que l’enjeu de survie le stimule, alors tant mieux ! Laissez-vous aller et foncez ! Si vous êtes facilement inspiré.e par les orateurs pertinents, l’afflux de sources et les bons réseaux, ouvrez grands vos yeux et vos oreilles, les journées seront bien remplies. Mais ce cas idéal n’est pas si fréquent. Vous êtes peut-être simplement livrés à vous-mêmes, les pieds dans la boue, sans aucun regard extérieur (à part le marché) pour clarifier vos idées, perdus dans le dialogue avec vos collaborateurs entre le non-dit pesant et l’expression informe du chacun-pour-soi, encombrés par vos propres idées innovantes, sans carte ni boussole. Les pertes potentielles occasionnées par ce chaos où l’on ne distingue pas de sentier sont bien plus grandes que le prix de quelques jours de présence d’un guide professionnel expérimenté. Pensez-y.
La deuxième question est « allons-nous opter pour de la formation ou du conseil ? » Bien sûr, la crise du Covid nous a durement frappés au porte-monnaie, les budgets sont raccourcis et vous serez certainement tentés de profiter de l’argent public pour financer ce que l’on espère être une acquisition durable de compétences. C’est une responsabilité permanente que d’enrichir et affiner les gestes métier. Mais de quelles compétences parlons-nous ? Qui a besoin d’être capable de quoi pour dénouer l’écheveau des possibles et créer les bonnes conditions pour que l’organisation soit fluide et réactive ? Quelle pédagogie changera en trois jours le comportement des dirigeants, vers plus d’écoute, moins de certitude et une foi moins aveugle dans les modèles, les outils et les solutions sur étagère ? Oui, il existe de multiples enseignements prodigués aux managers et aux entrepreneurs, sur la confiance, l’agilité ou l’intelligence collective. Il m’arrive d’en proposer et j’en connais de très respectables. Mais dans une urgence comme celle d’aujourd’hui, avons-nous le temps de semer la graine de l’apprentissage personnel et d’attendre son développement ? De pratiquer des exercices trimestriels, voire annuels ? Repenser ensemble, directement et en continu avec le matériau de l’instant présent, cela se fait par une adaptation permanente et des conversations ouvertes dont on ne saurait prévoir l’issue. Donner à voir votre organisation telle qu’elle sera demain matin, alors que vous ne le saviez pas hier, ce n’est pas un enseignement, mais un accouchement du possible. Ces prestations ne sont pas financées par l’état, c’est vrai. C’est donc un vrai choix entrepreneurial.
La troisième question enfin est « faut-il préférer un cabinet ou un free-lance ? » Là encore tout est question d’échelle et vous pouvez croire que votre chantier de changement, pour avoir belle allure vu de haut et de loin, en ces temps historiques, nécessite de l’outillage, de la masse, du traitement d’information rapide, bref, de la techno et de la main d’oeuvre. Cela s’entend. Vous pouvez croire aussi qu’il est plus professionnel, plus sûr et plus facilement contrôlable d’avoir affaire à une firme qu’à une personne – après tout, vous achetez une prestation, que diable – et que le contrat fait la qualité de la relation. Et ce, d’autant plus qu’ayant compris la nécessité d’agir, vous aurez débloqué un budget conséquent. Car l’industrie du changement est coûteuse. Mais vous pouvez aussi dépenser dix fois moins. Vous pouvez désirer simplement challenger vos idées, comme on peut le faire avec un ami qui vous comprend. Vous pouvez aussi croire dans une action à petits pas, peu voyante mais clairvoyante, dirigée au bon endroit, avec les bonnes personnes. Pour une mise en mouvement directe de votre organisation où il y aura, pour le même prix, plus de changement avec moins de livrables. Parce que c’est vous – en tant que collectif – qui ferez le vrai boulot et en récolterez immédiatement les fruits. Et aussi les légumes. Et un terreau fertile pour l’avenir.
A bientôt. Prenez soin de vous. Commentaires bienvenus.
Pascal Jouxtel – www.linternome.fr – Re Penser Ensemble