Solutions culturelles
Faisons l’hypothèse que les pratiques humaines se reproduisent naturellement sur un mode évolutionniste, façonnées par les conditions qui permettent ou non leur exercice. Alors, il faut dire clairement quelle est la chose dont on dit « qu’elle se reproduit ». Ce ne sont ni les personnes, ni les organismes, ni les objets. Ce qui se reproduit, ce sont les solutions mises en œuvre pour cheminer d’une situation à une autre, en réduisant le « potentiel de transformation » de cette situation. On peut appeler « scénario » un assemblage composite et imbriqué de solutions compatibles entre elles.
Une situation, c’est un contexte, un lieu, un groupe de gens, des objets, des capacités d’action, des désirs et des tensions. Cela forme un ensemble qui peut être instable à un instant donné. C’est le cas juste avant qu’un conflit n’éclate, mais c’est aussi le cas quand on va déjeuner avec des collègues à midi ! Une solution, c’est en quelque sorte la forme du chemin à travers lequel va s’écouler l’énergie de transformation de la situation. Il peut y en avoir de très nombreuses pour une situation donnée. Ce que nous dit la mémétique, c’est que ces solutions se regroupent en familles de possibles assez restreintes, et qu’en plus, toutes les pistes potentiellement contenues dans la situation découlent de quelque chose qui a déjà eu lieu, se trouve à portée de regard, ou réside déjà dans la mémoire collective de ce groupe. S’il peut émerger du neuf et du radical, c’est par la recombinaison que permet le dialogue, la confrontation, le hasard ou les possibilités du lieu (on retrouve ici la notion d’affordance utilisée en neurosciences pour évoquer la sollicitation pré-motrice de notre système nerveux par les usages possibles d’un objet que nous percevons).
Les solutions humaines sont très liées aux objets. Dans la vie de tous les jours, on connait surtout les solutions d’utilisation des objets, mais dans l’entreprise, et particulièrement dans l’industrie, on s’intéresse aux solutions de conception et de fabrication des objets, ce qui est une écologie de pratiques assez différente (pensez à la différence entre fabriquer un vélo et faire du vélo). Il existe aussi des solutions d’acquisition qui font le lien entre ces deux mondes (acheter un vélo).
Il existe, dans une situation donnée, des solutions très probables, qui se réalisent sans qu’on y pense, par habitude, comme se brosser les dents le matin ou se dire bonjour ; mais il existe aussi des solutions très improbables auxquelles on peut donner une meilleure chance de survie en ayant conscience des façons de faire naturelles, en favorisant la discussion et en construisant le « balayage » systématique des possibles. C’est ce qu’on appelle innover ! L’innovation, qui est une des préoccupations majeures des entreprises aujourd’hui, devient quelque chose de tout-à-fait limpide quand on la formule avec le vocabulaire de la mémétique.
Ce concept est détaillé dans l’ouvrage « Comment les systèmes pondent » voir colonne de droite >>>